L’essor d’Hollywood a permis à des tendances culturelles de dépasser les frontières. Style vestimentaire, habitudes de vie, langage… la fin du XXe siècle a vu une partie du monde s’américaniser.
Porteur d’une identité culturelle mondiale, Hollywood fascine les observateurs pour son évolution fulgurante au cours du XXe siècle. Et pour cause ! Capacités de production de films exponentielles, influence directe sur le public et entrée dans le jeu géopolitique mondial... Jamais auparavant une unité de production culturelle n’avait atteint une telle aura. Cette influence multidimensionnelle a conduit Hollywood à être intégré à la stratégie de soft power des Etats-Unis comme un outil à part entière.
Selon Joseph Nye, père de la théorie du soft power développée au sein de son ouvrage « Bound to Lead » (1990), le concept rejoint la capacité de séduire et de persuader les autres États sans avoir à user de leur force ou de la menace. En outre, il affirmait qu’à la fin de la Guerre Froide, l’hégémonie américaine était certes remise en question mais que l’influence du pays n’était en rien en déclin puisque la définition de sa puissance devait être reconsidérée. Superpuissance depuis 1945, les États-Unis disposent de l’armée la plus puissante du monde - pouvant se déployer quasiment partout en très peu de temps et d’un modèle économique et financier affichant constamment d’insolentes courbes de progrès. À l’heure de la théorie de Joseph Nye, il convenait d’admettre qu’en plus des deux atouts précédemment mentionnés, les États-Unis incarnent un modèle culturel qui continue d’influencer les modes de vie de très nombreux pays.
Si le cinéma et sa définition font l’objet d’interprétations différentes en ce que le cinéma est quasiment une invention schumpétérienne, Youssef Ishaghpour - essayiste et spécialiste du cinéma, considère qu’il est “l’un des symptômes et des causes de la modernité”, objet de révélation du monde et source d’hallucination pour le spectateur. Si la première projection cinématographique eut lieu dans un café parisien en 1895, projetant La Sortie de l’Usine Lumière à Lyon, on marque réellement la naissance du cinéma à partir des années 1910, où il s’est vu être exporté sur le Nouveau continent afin d’y maturer pendant le “Siècle américain”. Peuvent ainsi être retenues quatre grandes périodes : l’âge d’or des studios (1930-1949), l’émergence des agences et des innovations technologiques (1948-1960), la montée d’une compétition sans pitié entre les majors dans les années 1980, et la domination d’Hollywood dans l’industrie cinématographique mondiale de nos jours.
L’hégémonie cinématographique d’Hollywood est utilisée par les Américains comme outil diplomatique. Certains autres États l’ont compris et ont fait de même. Cette compétition a amené de nombreux blocages géopolitiques : à coup de censure dans certains pays et de listes en dénonçant d’autres ne respectant pas les droits d’auteurs, chaque État use de diverses méthodes pour mettre en avant son industrie cinématographique, son modèle culturel et ses valeurs sur la scène internationale. Au fil des décennies, les points de tensions évoluent. Les thèmes évoqués auparavant concernaient l’écriture (ou la réécriture) de l’Histoire - l’historicisme. Aujourd’hui, les thèmes s’orientent davantage sur la représentation des minorités (sexuelles, ethniques ou encore sociales). De pair avec le développement d’une soft diplomatie par les États du monde, le cinéma continue de gagner d’intérêts par les acteurs politiques.
En bref, le cinéma est un outil d’influence que les États-Unis cherchent à mettre à profit depuis longtemps. Ils l’utilisent pour diffuser des messages aussi bien au monde entier qu’à sa propre population, en premier lieu. Nombreux sont les films qui mettent en avant la puissance militaire des États-Unis, le respect envers le chef de l’État et des valeurs telles que la liberté et l'entreprenariat. On y retrouve les symboles de la puissance américaine. Conscients du fait que le jeu des rivalités géopolitiques se filme et s’affiche dans les salles obscures, de manière plus ou moins subtile, les États-Unis mènent une soft diplomatie intensive dans un monde multipolaire qui menace désormais sa position de première puissance.
Dans une série d’articles à paraître tous les mois, sera explicitée la manière dont Hollywood est devenu une industrie cinématographique majeure et un outil stratégique pour l’État américain. Au travers d’analyses thématiques, quatre articles seront élaborés pour mettre en exergue le caractère stratégique d’Hollywood dans le jeu diplomatique des États-Unis.
1. Le “Siècle américain” : les origines de la force de frappe hollywoodienne
2. Hollywood : Success-story d’une machine à produire de la culture
3. Hollywood, outil légitime à entrer dans le jeu géopolitique : entre force stratégique et menace culturelle
4. Quel avenir pour l’influence d’Hollywood ?
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